Addiction et dépression : un duo toxique qui piège les Marocains silencieusement

Par Pr Youssef El Hamaoui – Psychiatre, psychothérapeute et addictologue à Casablanca

Deux visages d’une même souffrance

Ahmed, 43 ans, vient consulter pour une addiction à l’alcool. Mais dès les premières minutes, ce qu’il décrit, c’est une fatigue extrême, un sommeil irrégulier, un vide émotionnel.
Il ne boit pas “pour faire la fête”, mais pour “tenir le coup”.

Comme lui, de nombreux Marocains vivent dans un cercle vicieux silencieux : dépression et addiction s’alimentent mutuellement, rendant la guérison plus complexe, mais aussi plus urgente.

Le piège de l’auto-traitement

Lorsqu’un patient souffre de dépression non traitée, il cherche souvent un moyen d’apaiser :

• l’anxiété

• la perte d’élan vital

• les troubles du sommeil

• les pensées négatives récurrentes

Et c’est là que les substances (alcool, cannabis, somnifères, etc.) entrent en jeu : elles apportent un soulagement rapide, mais temporaire, qui finit par aggraver le fond du problème.

🌀 Le résultat :

• Plus la personne consomme, plus elle s’isole.

• Plus elle s’isole, plus elle déprime.

• Et plus elle déprime… plus elle consomme.

Comment les deux troubles s’emmêlent

Selon l’OMS, près de 30 % des personnes souffrant d’une addiction présentent aussi un trouble dépressif majeur.
Et l’inverse est tout aussi vrai : les troubles dépressifs multiplient par 2 ou 3 le risque de développer une addiction.

Pourquoi ?

• Le cerveau en dépression manque de dopamine, de motivation, d’élan

• Le cerveau sous substance déséquilibre davantage ces circuits

• Et aucun des deux états ne permet une prise de recul suffisante pour chercher de l’aide seul

5 signes que vous (ou un proche) êtes peut-être pris dans ce duo

1. Vous consommez pour “aller mieux”, mais vous vous sentez toujours aussi mal.

2. Vous avez arrêté plusieurs fois… mais à chaque coup de blues, vous replongez.

3. Vous cachez votre consommation par honte.

4. Vous vous sentez à la fois vidé(e), nerveux(se) et impuissant(e).

5. Vous ne trouvez plus de plaisir dans rien, même les choses que vous aimiez.

Peut-on s’en sortir ? Oui, mais pas seul

Le traitement d’une addiction avec dépression doit être global.
Il ne s’agit pas seulement d’arrêter une substance : il faut soigner l’origine de la douleur, rétablir l’équilibre psychique, et reconstruire l’estime de soi.

Les approches les plus efficaces :

• 🧠 Thérapie cognitivo-comportementale (TCC) : pour casser les pensées automatiques et les schémas répétitifs

• 🌿 Hypnose thérapeutique : pour réancrer le lien au corps et à soi

• 🎯 Traitements médicamenteux si besoin : antidépresseurs, sevrage assisté

• 🗣️ Thérapie de soutien : pour mettre des mots et sortir du silence

• 🤝 Groupes de parole : pour ne plus se sentir seul

Conclusion : Revenir à soi

Dans notre société marocaine, la dépression reste trop souvent associée à de la faiblesse, et l’addiction à une faute.
Mais les deux sont des manifestations d’une souffrance, pas d’un échec moral.

Se soigner, c’est reprendre le pouvoir sur sa vie, avec des outils adaptés, une écoute bienveillante, et un accompagnement humain.

📎 Pour aller plus loin :
➤ Hypnose et addictions : approche complémentaire à Casablanca
➤ TCC et thérapies modernes pour soigner l’addiction